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Pépinière : focus sur les cinq plus grands acteurs des échanges européens

Les échanges de végétaux de pépinière sont soumis à de nouvelles turbulences : l'impact du Brexit (la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne) qu'il est encore trop tôt d'évaluer, mais aussi les risques sanitaires, les évolutions de la logistique, etc.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Dans notre édition du 8 février dernier (n° 1002), nous avons présenté un panorama de la production de pépinière en Europe et des échanges internationaux, établi à partir de chiffres de l'Association internationale des producteurs de l'horticulture (AIPH). Cette analyse, pays par pays, des acteurs majeurs de ce marché en constitue le second volet.

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Il est important de souligner qu'au-delà des chiffres de l'Association internationale des producteurs de l'horticulture, ces focus des principales nations concernées s'appuient sur des données nationales complémentaires et parfois plus récentes, qui peuvent être différentes d'un pays à l'autre. Des écarts de chiffres peuvent ainsi apparaître avec les agrégats européens. Une chose est certaine, les cinq plus gros exportateurs de produits de pépinière en Europe sont les Pays-Bas, suivis par l'Italie, l'Allemagne, la Belgique et l'Espagne. Les caractéristiques de chacun sont présentées dans cet ordre.

Pays-Bas

LE PAYS SE DÉVELOPPE TOUJOURS, MAIS MOINS VITE

Premier pays européen producteur et exportateur de végétaux de pépinière, les Pays-Bas recensent 17 710 hectares de pépinière de plein air et 470 hectares de pépinières couvertes. La production est présente sur l'ensemble du territoire. Cependant, 60 % sont concentrés dans deux régions du sud du pays : Nord-Brabant (46,3 %) et Limbourg (14,2 %).

Viennent ensuite le centre et l'ouest du pays (Gelderland avec 15,7 % et Sud-Hollande avec 5,9 %, particulièrement autour de la ville de Boskoop). Lottum, dans le Limbourg, est connu pour ses rosiers.

Après une forte croissance jusqu'en 2013, les surfaces de production se sont stabilisées en 2014, avant une légère reprise en 2015. Arbres d'alignement, pépinière forestière, vivaces, plantes grimpantes, arbustes à forcer et fruitiers ont progressé entre 2010 et 2015, alors que les productions de conifères, de buis, de rosiers et de pépinière couverte sont en baisse.

Italie

UNE CRISE SÉVÈRE EN 2015, MAIS L'OPTIMISME SUBSISTE

À noter que, pour ce pays, le dernier recensement date de 2010. L'Italie est le second exportateur européen de végétaux de pépinière. La production est concentrée dans la moitié nord du pays, dans les régions de Toscane, de Lombardie, de Vénétie et d'Émilie-Romagne, où de grosses pépinières fédèrent un grand nombre d'entreprises familiales sous-traitantes et font preuve d'un grand dynamisme commercial à l'export.

L'Italie produit essentiellement des arbres et arbustes d'ornement, avec une spécialité de gros conteneurs, topiaires et une gamme méditerranéenne dans les régions de Pistoia. À ce coeur de métier s'ajoute une production importante d'agrumes dans le Sud ainsi qu'en Sicile.

Malgré les premiers signes indiquant une reprise, l'Italie a ressenti durement la crise au cours de l'année 2015, entraînant la défaillance de plusieurs entreprises.

Les producteurs italiens en appellent à une relance de la commande publique au niveau européen. Cependant, ils restent optimistes quant à la consolidation du marché intérieur et des exportations et au maintien de la production.

Allemagne

LA BAISSE DE CONSOMMATION FAIT FLÉCHIR LA PRODUCTION

L'Allemagne est réputée pour ses productions d'arbres d'alignement, ses spécimens, ses plants forestiers, ses plantes de terre de bruyère, ses plantes couvre-sol et ses sapins de Noël. La production est concentrée dans le nord-ouest du pays, principalement en Basse-Saxe, en Rhénanie du Nord et en Schleswig-Holstein. La surface est en régression depuis 2004. L'Allemagne est le premier marché de consommation européen : malgré une forte production, elle importe 1,6 fois plus qu'elle n'exporte. Après plusieurs années de tassement, les achats des ménages se sont stabilisés en 2015 et le pays a amélioré son taux de couverture. Cependant, la production est en repli. Le syndicat des pépiniéristes BDB exprime ses inquiétudes face à la baisse des marchés du paysage, mais aussi à la fermeture du marché russe. Les professionnels militent pour que soit alloué un minimum de 5 % des budgets du paysage aux végétaux. Face à la volonté des länders de privilégier les espèces locales, ils mettent plutôt en avant la production locale, garante d'une bonne reprise.

Belgique

PLUS DE LA MOITIÉ DES EXPORTATIONS POUR LA FRANCE

La production d'arbres et d'arbustes représente 60 % de la production horticole belge, avec une forte orientation à l'export. La Flandre, au nord du pays, concentre 95 % de la production, avec des produits phares comme l'azalée et le laurier. Si les arbres et les arbustes d'ornement représentent 75 % des cultures, il faut noter l'importance de la pépinière forestière (16 %) et des sapins de Noël (6 %), produits dans les Ardennes. La pépinière fruitière assure, quant à elle, 7 % de la production. La valeur à la production a augmenté de 18,9 % entre 2005 et 2014. Les pépinières d'ornement, forestière et de sapins enregistrent une croissance, alors que la pépinière fruitière est en repli. Ce développement s'explique par l'agrandissement des pépinières existantes, mais surtout par la reconversion de productions couvertes énergivores vers des surfaces de vivaces et de conteneurs. Avec 55 % des exportations, la France est le premier débouché de la pépinière belge, loin devant le Royaume-Uni (15 %) et les Pays-Bas (7 %). Les exportations ont subi une baisse en 2013 et en 2014, avant de se redresser en 2015. Le marché intérieur est limité et fait face à une baisse de la consommation. Cependant, la pépinière maintient sa part de marché (21 %) dans les achats des consommateurs. Les professionnels travaillent sur une politique de qualité et de valorisation des origines. Deux produits bénéficient d'une Indication géographique protégée (IGP) : l'azalée de Gant et le Laurus Nobilis.

Espagne

L'EXPORT POUR FAIRE FACE À LA CHUTE DU MARCHÉ INTÉRIEUR

L'Espagne est le cinquième pays exportateur de végétaux de pépinière. La production s'étend plus particulièrement le long de la côte nord-est du pays, en Catalogne (principalement Girone), puis autour de Valencia. La gamme est constituée majoritairement de palmiers et de plantes méditerranéennes, comme les lauriers. Les attaques de charançon rouge (Rhynchophorus ferrugineus) se sont traduites par une forte diminution des productions de palmiers ces dernières années. L'effondrement du marché intérieur en 2008-2009 a conduit les entreprises à réduire la voilure et à concentrer leurs efforts sur les marchés de distribution à l'export. Les producteurs ibériques témoignent d'une légère reprise en 2015, mais ils dépendent beaucoup de la santé de leurs marchés extérieurs, en premier lieu la France. L'ENA table sur une stabilisation de la production et du marché intérieur du paysage, une progression du marché intérieur et des exportations.

Quelles perspectives ?

QUELQUES CERTITUDES, MALGRÉ LES TURBULENCES

La pépinière européenne est entrée dans une zone de turbulences face à des lignes de force parfois divergentes : une attente de vert mais une baisse des marchés publics, une incertitude croissante sur les marchés internationaux liée à la conjoncture politique (Brexit, boycott russe) et enfin une pression accrue pour une gestion des nuisibles compatibles avec la préservation de la santé et de l'environnement. Cependant, des signaux à moyen terme ne trompent pas : le développement et la densification urbaine, alliée à la réduction, voire à l'arrêt de toute forme de lutte chimique, militent en faveur de végétaux plus compacts, de préférence persistants, avec un retour vers une palette d'espèces adaptées aux conditions locales, voire indigènes, comme en Allemagne. Cela peut promouvoir des plantes de qualité, produites en région, avec des pratiques agroenvironnementales vertueuses.

Dans de nombreux pays, les pépinières luttent pour maintenir leur viabilité, avec des stratégies différentes. Face au tassement de leur marché intérieur, plusieurs acteurs majeurs n'ont d'autre choix que d'accroître leur pression à l'export. L'importance des marchés allemands et français en font des cibles prioritaires...

Il est encore trop tôt pour évaluer les retombées du Brexit, même si les Néerlandais annoncent déjà une baisse probable des importations britanniques, provoquant un report des flux sur le continent. Les tensions politiques avec la Russie ont généré de nouveaux circuits commerciaux, qui profitent à la Pologne et à la Serbie. Le développement des échanges s'accompagne souvent d'un risque sanitaire accru. L'introduction du charançon rouge du palmier a ainsi affecté la production espagnole de palmiers et entraîné une reconversion importante des mises en culture vers d'autres espèces.

On peut également s'interroger sur l'impact des évolutions logistiques sur la géographie des échanges : les progrès du transport maritime en conteneurs climatisés peuvent faciliter l'expédition de végétaux, comme c'est maintenant le cas pour certaines espèces de fleurs et feuillages. La Chine a inauguré il y a quelques mois une ligne ferroviaire appelée « seconde route de la Soie », pour exporter ses biens en 21 jours par la terre jusqu'en Allemagne, au lieu de 30 jours par bateau. Il est difficile de dire si cela peut affecter la pépinière européenne, tant les besoins intérieurs chinois sont importants face à l'urbanisation galopante et aux problèmes de pollution. C'est en ouvrant grand les yeux sur ces mouvements de forces et en analysant leurs avantages comparatifs que les entreprises seront le mieux à même de trouver des stratégies adaptées permettantd'assurer leur pérennité.

Marie-Françoise Petitjean, MFP Conseil

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